Le rappel du principe par le Conseil d’Etat
La cession des titres d’une société postérieure à la cession de ses éléments d’actifs nécessaires à l’exercice de son activité n’est pas de nature, à elle seule, à conférer à cette vente un caractère artificiel et constituer un abus de droit (CE 29 novembre 2024, n° 470958).
Rappel des faits de l’espèce
Le dirigeant d’une société avait cédé le seul actif de l’entreprise, avait perdu la licence d’exploitation liée son activité règlementée et avait procédé au licenciement de son personnel.
La société se retrouvait ainsi être une société « tirelire », ne disposant que de la trésorerie issue de la vente de son actif.
Puis, le dirigeant a procédé à la vente de ses titres de ladite société, laquelle a dans la foulée été absorbée par l’entreprise cessionnaire.
Dans le cadre de cette cession de titres, le dirigeant a déclaré la plus-value réalisée sous le bénéfice de l’abattement retraite alors en vigueur, ce qui conduit à une exonération totale d’impôt sur le revenu au titre de la plus-value réalisée (CGI art. 150-0 D ter).
La remise en cause de l’exonération de plus-value par l’administration fiscale sur le terrain de l’abus de droit
L’administration fiscale a remis en cause l’exonération d’impôt sur le terrain de l’abus de droit fiscal (LPF art. L. 64) en considérant que la cession des titres revêtait un caractère artificiel.
En effet, si le dirigeant avait procédé à la dissolution et à la liquidation de la société, il aurait dû constater un boni de liquidation.
Par suite, il n’aurait pas pu bénéficier de l’abattement retraite applicable aux plus-values de cessions de titres.
L’administration fiscale, à l’issue de son contrôle, a donc requalifié le gain en cause en boni de liquidation, lequel a été imposé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement des articles 111 bis et 161 du CGI suite à la distribution.
Quelle a été la position des premiers juges ?
Tant le CADF que le tribunal administratif et la cour administrative d’appel ont donné raison à l’administration fiscale (TA Amiens 17 décembre 2020, n° 1802123 ; CAA Douai 1er décembre 2022, n° 21DA00370).
Quelle a été la position du Conseil d’Etat ?
Le Conseil d’Etat a adopté une position contraire.
Selon le Conseil d’État, la cession des éléments d’actif nécessaires à l’exercice de l’activité opérationnelle d’une société n’est pas de nature, à elle seule, à conférer à la cession postérieure des titres un caractère artificiel dissimulant en réalité la liquidation de celle-ci et justifiant, en conséquence, l’imposition d’un boni de liquidation entre les mains du cédant (CE 29 novembre 2024, n° 470958).
Selon la Haute juridiction, cette circonstance est seulement susceptible, le cas échéant, de remettre en cause l’application, à la plus-value de cession, de l’abattement retraite.
Le rôle clé de l’avocat fiscaliste dans l’accompagnement des dirigeants
Dans des situations complexes comme celles décrites dans cette affaire, l’intervention d’un avocat fiscaliste est essentielle. Ce professionnel aide les dirigeants à anticiper les risques fiscaux liés aux opérations de cession et à structurer leurs démarches pour éviter toute requalification par l’administration fiscale. Un avocat fiscaliste peut, par exemple, analyser la nature des transactions envisagées, s’assurer de leur conformité aux dispositions légales et optimiser les avantages fiscaux applicables, tout en minimisant les risques d’abus de droit.
Dans le cas présent, un accompagnement juridique aurait permis au dirigeant de mieux comprendre les enjeux liés à l’abattement retraite et de se prémunir contre une éventuelle remise en cause par l’administration. Cet accompagnement permet aux entrepreneurs de sécuriser leurs opérations tout en préservant leur patrimoine.