La collecte de l’information a toujours été au cœur des préoccupations de l’administration fiscale. La délation constitue un moyen efficace pour l’administration fiscale d’atteindre rapidement l’information recherchée.
La collecte de l’information a toujours été au cœur des préoccupations de l’administration fiscale. Si cette dernière dispose de nombreux moyens d’enquête notamment par le biais du droit de communication ou plus récemment avec la montée en puissance du data mining, la délation constitue un moyen efficace pour l’administration fiscale d’atteindre rapidement l’information recherchée.
Cette collecte d’informations grâce aux « aviseurs fiscaux » est d’autant plus recherchée à l’heure où les instruments de fraude se sophistiquent et prennent souvent une dimension internationale.
Historique : l’ancien dispositif d’indemnisation des aviseurs supprimé en 2004.
L’indemnisation des aviseurs par l’administration fiscale a longtemps existé, mais était à l’époque encadrée par des circulaires et instructions internes à l’administration fiscale. Ce dispositif ne bénéficiant pas d’un cadre juridique clair, il avait finalement été supprimé en 2004.
Le bilan de cet ancien dispositif était en outre mitigé : entre 1990 et 2002, pour 419 dossiers, le montant total des sommes mises en recouvrement s’élevait à 13,5 millions de francs, soit à peine plus de 2 millions d’euros.
L’administration fiscale avait elle-même admis que les dossiers apportés ne présentaient « pas d’enjeux fiscaux importants ».
Un nouveau dispositif adopté en 2017, initialement prévu pour deux ans et finalement pérennisé en 2018.
C’est à compter de 2017 que la possibilité pour l’administration fiscale d’indemniser les informateurs en matière de fiscalité internationale, ou « aviseurs fiscaux », a été inscrite dans la loi (Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 109).
Initialement prévu à titre expérimental et provisoire pour une durée de deux ans, ce dispositif a ensuite été pérennisé en 2018 à l’occasion de l’examen de la loi relative à la lutte contre la fraude.
Ce dispositif a une portée bien plus ambitieuse et mieux définie que le précédent. En effet, entrent dans le champ du dispositif les renseignements ayant conduit à la découverte d’un manquement à certaines règles et obligations déclaratives relatives à la fiscalité internationale. Celles-ci sont précisément énumérées, et aucune indemnisation n’était prévue en dehors de ces situations.
L’indemnisation était, avant l’entrée en vigueur de la loi de finances pour 2020, limitée aux seuls cas où les informations permettent d’identifier un manquement lié à une fraude ou une obligation, à l’international, de nature patrimoniale ou professionnelle : il pouvait notamment s’agir de cas de fausse domiciliation fiscale d’une entreprise exploitée en France, de transfert de bénéfices à l’étranger, de non-déclaration de comptes bancaires ou de contrats d’assurance-vie ouverts ou souscrits à l’étranger ou de trusts.
La décision d’indemnisation de l’aviseur est prise par le directeur général des finances publiques, qui en fixe le montant en tenant compte du montant estimé des impôts éludés ainsi que du risque pris par l’aviseur. Cette indemnisation est plafonnée à un montant d’1 million d’euros.
Un récent rapport parlementaire dresse un bilan du dispositif et formule des propositions.
Un rapport d’information n°1991 de la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale déposé le 5 juin 2019 est venu faire un bilan du dispositif. Le rapport conclut à l’efficacité globale du dispositif, puisque les premiers redressements ont permis la mise en recouvrement de plus de 90 millions d’euros de droits et pénalités, et ont conduit à l’indemnisation de deux aviseurs.
Le rapport formule ensuite plusieurs propositions pour améliorer encore l’efficacité et l’attractivité du dispositif.
Il est notamment proposé d’étendre le champ d’application aux opérations portant sur la TVA, de supprimer le plafond de l’indemnité aujourd’hui fixé à un million d’euros, d’envisager une meilleure protection des aviseurs ainsi que des agents traitants, et enfin de codifier le dispositif dans le livre des procédures fiscales.
La loi de finances pour 2020 codifie l’indemnisation des aviseurs fiscaux et étend leur champ d’intervention.
L’article 175 de la loi de finances pour 2020 codifie le principe de l’indemnisation des aviseurs fiscaux à l’article L. 10‑0 AC du Livre des Procédures Fiscales, en reprenant la définition prévue dans la loi du 29 décembre 2016, mais en étendant le champ d’application aux opérations de fraude à la TVA.
La TVA représentant l’essentiel de la fraude fiscale constatée, soit plus de 80 % des dossiers transmis à la justice, le fait que cet impôt soit inclus dans le dispositif élargira le champ d’application de manière importante.
Enfin, la loi de finances pour 2020 prévoit une généralisation de l’indemnisation des aviseurs fiscaux aux informations relatives à tout autre agissement, manquement ou manœuvre susceptible d’être sanctionné par les majorations de 40, 50 ou 80 %. Il s’agit notamment des cas d’inexactitude ou d’omission de déclaration des comptes, contrats de capitalisation et trusts détenus à l’étranger, des manquements délibérés, abus de droit, de manœuvres frauduleuses ou encore des cas de non-respect des règles relatives à l’imposition des transferts d’actifs hors de France.
Si cette généralisation ne s’applique que lorsque le montant des droits éludés excède 100 000 €, elle a néanmoins pour conséquence d’élargir encore davantage le champ d’application du dispositif qui, en présence d’agissements sanctionnables par les majorations précitées, n’est donc plus limité à la fraude internationale ou à un impôt en particulier mais peut viser également l’impôt sur le revenu, les droits de succession ou de donation ainsi que l’impôt sur la fortune.
Enfin, il convient de souligner, en lien avec cette extension du dispositif, l’article 174 de la loi de finances insère dans le Livre des Procédures Fiscales un nouvel article L.286 B qui vise à mieux protéger les agents des finances publiques. Sur autorisation du directeur de Service, le nom et le prénom des agents seront ainsi remplacés par un numéro d’immatriculation administrative.
Ce dispositif de protection s’appliquera dans le cadre des procédures de contrôle, de recouvrement et de contentieux, lorsque, compte tenu des conditions d’exercice de sa mission et des conditions particulières de la procédure, la révélation de son identité est susceptible de mettre en danger la vie, l’intégrité physique de l’agent ou celle de ses proches.
Dans un contexte de renforcement de la lutte contre la fraude fiscale illustré notamment par la suppression du verrou de Bercy en matière de poursuite pénale, ce dispositif offre à l’administration fiscale la possibilité d’accéder à un plus grand nombre d’informations et ainsi améliorer la qualité et la performance du contrôle fiscal.
Au-delà, se pose la question de la mise en place d’une agence du renseignement fiscal devrait permettre une « professionnalisation » et un traitement « massifié » des informations reçues qui pourrait être la prochaine étape d’une démarche visant à rendre encore plus performant le contrôle fiscal.
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