Dans le cadre d’une vérification de comptabilité d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés, si l’Administration fiscale met en évidence l’absence de comptabilisation de tout ou partie des recettes, elle peut être amenée à présumer que ces dernières ont été désinvesties au profit du dirigeant.
Toutefois, il peut s’agir également de rémunérations excessives ou de prise en compte de charges somptuaires.
Présomption légale de distribution
L’article 109 du CGI prévoit que tout bénéfice généré par la société, qui n’a pas été mis en réserve ou incorporé au capital (article 109-1-1° du CGI), mais également que les sommes ou valeurs mises à disposition des associés non prélevées sur les bénéfices (article 109-1-2° du CGI) sont présumées distribuées.
Cette présomption légale de distribution pèse, de fait, sur les épaules du maitre de l’affaire qui est en général le dirigeant de l’entreprise.
Enfin, le redressement peut se fonder sur l’article 111 du CGI au titre notamment des rémunérations et avantages occultes accordés aux dirigeants.
Définition du maître de l’affaire
Notion d’origine purement jurisprudentielle, le maitre de l’affaire est « une personne qui exerce la responsabilité effective de l’ensemble de la gestion administrative, commerciale et financière de la société et qui dispose sans contrôle des fonds ».
La définition du maître de l’affaire repose sur un faisceau d’indices :
- Détention du capital social,
- Exercice d’un mandat social,
- Procuration sur les comptes bancaires,
- Direction de fait de la société…
Les garanties procédurales
En cas de revenus réputés distribués, l’Administration fiscale supporte la charge de la preuve.
Les rectifications du résultat de la société et des revenus du dirigeant s’opèrent dans le cadre de deux procédures distinctes (principe d’indépendance des procédures).
La proposition de rectification adressée personnellement au dirigeant au titre des revenus présumés distribués devra comporter spécifiquement les motifs de droit et de fait qui ont justifié les rehaussements de la personne morale.
A défaut, la proposition de rectification n’est pas suffisamment motivée au visa de l’article L 57 du Livre des Procédures Fiscales car elle prive le contribuable de la possibilité de produire utilement ses observations.
Toutefois, la jurisprudence considère que cette exigence est satisfaite dès lors qu’une copie de la proposition de rectification adressée à la société est annexée à la proposition de rectification adressée au contribuable ou que cette dernière reproduit les motifs de droit et de fait ayant entraîné les rectifications de la société.
Les enjeux de la qualification du maître de l’affaire
L’identification du maitre de l’affaire dans le cadre d’une activité est essentielle puisque ce dernier se verra imputer les « revenus réputés distribués » et les conséquences fiscales qui en découlent.
Pour s’y soustraire, le dirigeant peu démontrer, par exemple, que c’est un tiers qui a effectivement appréhendé les sommes en cause par tous moyens (virements, remise de cadeaux…).
Les conséquences fiscales
Le dirigeant sera personnellement redressé sur ces sommes qui auraient dues être comptabilisées au niveau de la société.
Dès lors, les revenus qualifiés de distribution par l’Administration fiscale seront imposables au barème progressif de l’impôt sur le revenu du contribuable sans bénéfice de l’abattement de 40%.
La présomption d’appréhension des fonds joue même en l’absence de preuve de transfert des fonds
Par une jurisprudence récente (CAA Paris 7 juin 2024 n°23PA04631), la Cour administrative d’appel de Paris est venue rappeler que la qualité de maître de l’affaire découle des circonstances de fait indépendamment de tout transfert effectif sur les comptes du ou des bénéficiaires.
Dans cette affaire, les requérants contestaient, outre la qualité conjointe de maître de l’affaire, leur appréhension des montants en cause.
La Cour a rejeté l’ensemble de leurs prétentions et a validé la position adoptée par l’administration fiscale en retenant que les éléments de faits rapportés, tels que le pouvoir de représentation ou la signature bancaire, caractérisaient la notion de maitre de l’affaire des conjoints.
Ainsi, cette qualité retenue était suffisante ici pour faire peser sur les contribuables les conséquences fiscales de la présomption légale des revenus réputés distribués, en application de l’article 109 du Code général des impôts, et la preuve de l’absence de transfert effectif sur les comptes des bénéficiaires était sans effet en l’espèce.